Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/429

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soixante sénateurs. Comme on lui eut appris que la flotte n’avait reçu aucun échec, et que Caton, après avoir recueilli un grand nombre de soldats, était passé en Afrique, il déplora devant ses amis, en se faisant à lui-même de vifs reproches, de s’être laissé forcer à combattre avec son armée de terre, sans employer ses troupes de mer, qui faisaient sa principale force ; ou tout au moins de ne s’être pas fait un rempart de sa flotte, où il eût trouvé, en cas d’une défaite sur terre, une autre armée puissante, et capable de résister à l’ennemi. Il est sûr, en effet, que la plus grande faute de Pompée, comme aussi la ruse la plus habile de César, ce fut de placer le lieu du combat si loin du secours que Pompée pouvait tirer de sa flotte. Quoi qu’il en soit, Pompée, forcé de tenter quelque entreprise avec les ressources qui lui restaient, envoya ses amis dans quelques villes, alla lui-même dans d’autres, pour demander de l’argent et équiper des vaisseaux ; mais, dans la crainte qu’un ennemi aussi prompt et aussi actif que César ne vînt subitement lui enlever tous les préparatifs qu’il aurait pu faire, il examinait s’il n’y avait pas quelque asile où il pût se retirer dans sa fortune présente.

Ils en délibérèrent, lui et ses amis, et ils ne virent aucune province de l’empire qui leur offrît des garanties de sûreté. Quant aux royaumes étrangers, celui des Parthes semblait, pour le moment, le plus propre à les recevoir, à protéger d’abord leur faiblesse, ensuite à les remettre en pied, et à les renvoyer avec des forces considérables. La plupart penchaient pour l’Afrique et pour le roi Juba ; mais Théophane de Lesbos lui représenta que ce serait folie à lui de laisser là l’Égypte, qui n’était qu’à trois journées de navigation, et Ptolémée[1], qui n’était

  1. Surnommé Dionysius, frère de Cléopâtre et fils de Ptolémée Aulétès.