Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/447

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de son père aurait d’étendue, moins il aurait d’occasions de s’illustrer par lui-même ; et, dans l’idée que Philippe, en augmentant chaque jour ses conquêtes, dépensait ce qui lui revenait à lui-même de belles actions, ce qu’il désirait, c’était non point des richesses, du luxe et des plaisirs, mais de recevoir des mains de son père un royaume où il y eût des guerres à faire, des batailles à livrer, et de quoi se couvrir d’honneur.

Il avait auprès de lui, comme on peut penser, grand nombre de gens qui veillaient à son éducation, nourriciers, pédagogues, précepteurs, mais sous la direction de Léonidas, homme de mœurs austères, et parent d’Olympias. Comme Léonidas refusait le titre de pédagogue, bien que les fonctions en soient aussi nobles qu’honorables, les autres, par égard pour sa dignité et pour sa parenté avec la reine, l’appelaient le nourricier et le gouverneur d’Alexandre. Le rôle et le titre de pédagogue étaient dévolus à Lysimachus l’Acarnanien, homme qui n’avait aucun agrément dans l’esprit, mais qui se rendait agréable, en se donnant à lui-même le nom de Phœnix, à Alexandre et à Philippe ceux d’Achille et de Pelée, et qui occupait la seconde place auprès du jeune homme.

Philonicus le Thessalien amena un jour à Philippe un cheval nommé Bucéphale, qu’il voulait vendre treize talents[1]. On descendit dans la plaine, pour essayer le cheval ; mais on le trouva difficile, et complètement rebours : il ne soutirait pas que personne le montât ; il ne pouvait supporter la voix d’aucun des écuyers de Philippe, et se cabrait contre tous ceux qui voulaient l’approcher. Philippe, mécontent, ordonna qu’on le remmenât, persuadé qu’on ne tirerait rien d’une bête si sauvage, et qu’on ne la saurait dompter. « Quel cheval ils perdent là ! s’écrie Alexandre, qui était présent ; c’est par

  1. Plus de soixante et dix mille francs de notre monnaie.