Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/451

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pelait. Aristote lui donna l’édition de ce poëme qu’il avait corrigée, et qu’on nomme l’édition de la cassette. Alexandre, au rapport d’Onésicritus, la mettait toutes les nuits sous son chevet avec son épée. Comme dans les provinces de la Haute-Asie il ne lui était pas facile de se procurer des livres, il écrivit à Harpalus de lui en envoyer ; et Harpalus lui fit passer les œuvres de Philistus, un grand nombre de tragédies d’Euripide, de Sophocle et d’Eschyle, et des dithyrambes de Telestès et de Philoxénus.

Il témoigna, dans les commencements, une grande admiration pour Aristote : il ne l’aimait pas moins, disait-il, que son père, parce qu’il ne devait à celui-ci que la vie, et qu’il devait à Aristote de mener une vie vertueuse. Mais, dans la suite, il tint le philosophe pour suspect ; et, sans lui faire d’ailleurs aucun mal, il cessa de lui montrer ces marques d’une vive affection qu’il lui avait prodiguées jusqu’alors : signe certain de l’éloignement qu’il avait conçu pour lui. Mais ce changement de disposition ne bannit point de son âme cette passion, cet amour ardent de la philosophie, qu’il avait apporté en naissant, et qui avait grandi à mesure qu’il avançait en âge : j’en ai pour garants les honneurs qu’il rendit à Anaxarchus, les cinquante talents[1] qu’il envoya au philosophe Xénocrate, et la profonde estime qu’il fit de Dandamis et de Calanus[2].

Pendant que Philippe faisait la guerre aux Byzantins, Alexandre, âgé de seize ans, était resté en Macédoine, chargé seul du gouvernement, et dépositaire du sceau royal : il soumit les Médares[3] qui s’étaient révoltés, prit leur ville, et, à la place des Barbares, qu’il en chassa, il y

  1. Environ trois cent mille francs de notre monnaie.
  2. Voyez plus bas.
  3. On ne sait pas ce que c’était que les Médares.