Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/463

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maritimes, et de n’attaquer son ennemi qu’après s’être fortifié et enrichi par ces premières conquêtes.

Il y a, près de la ville de Xanthe, dans la Lycie, une fontaine, qui déborda, dit-on, en ce temps-là, et détourna son cours sans aucune cause visible : il sortit du fond de son lit une tablette de cuivre, sur laquelle étaient gravés d’anciens caractères, qui portaient que l’empire des Perses finirait, renversé par les Grecs. Encouragé par cette promesse, Alexandre se hâta de nettoyer toutes les côtes maritimes, jusqu’à la Phénicie et à la Cilicie.

Sa course en Pamphylie a donné matière à plusieurs historiens d’exagérer les faits, et de les convertir en miracles, pour frapper les esprits : ils débitent que la mer, par une faveur divine, se retira devant Alexandre, quoiqu’elle soit d’ordinaire très-orageuse sur cette côte éternellement battue des vagues, et qu’elle laisse rarement à découvert des pointes de rocher qui bordent le rivage, au pied des sommets escarpés des montagnes. C’est sur ce prétendu prodige que Ménandre joue plaisamment dans une de ses comédies :

Que cela sent bien son Alexandre ! Cherché-je quelqu’un,
Il se présentera à moi de lui-même. Et si je veux passer
La mer en quelque endroit, cet endroit me sera guéable.

Mais Alexandre lui-même, dans ses lettres, ne dit rien qui ait trait à ce miracle : il conte simplement qu’au sortir de Phasélis il traversa le pas de l’Echelle. Il avait séjourné plusieurs jours à Phasélis ; et, comme il eut vu, sur la place publique, la statue de Théodecte le Phasélite[1], qui était déjà mort, il alla, après souper et échauffé par le vin, danser autour de cette statue, et lui fit jeter des

  1. Théodecte, poëte et orateur, avait composé un grand nombre de tragédies, et, outre ses discours politiques, des écrits sur l’art oratoire. Il mourut à Athènes avec une assez grande réputation.