Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/532

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Macédonien de Pella, personnage assez considérable, et qui se nommait Poiymachus. Après avoir lu l’épitaphe, il ordonna qu’on en gravât au-dessous la traduction en grec, que voici : « Ο homme, qui que tu sois, et de quelque endroit que tu viennes, car je sais que tu viendras, je suis Cyrus, qui ai conquis aux Perses cet empire ; ne m’envie donc pas ce peu de terre qui couvre mon corps. » Ces paroles firent une vive impression sur Alexandre, en lui rappelant à l’esprit l’incertitude des choses humaines et leur instabilité.

Cependant Calanus, tourmenté depuis quelque temps d’un flux de ventre, demanda qu’on lui dressât un bûcher. Il s’y transporta à cheval ; il fit sa prière aux dieux, répandit sur lui-même les libations sacrées, se coupa une touffe de cheveux, comme les prémices du sacrifice, et fit ses adieux aux Macédoniens qui étaient présents, les invitant à passer ce jour-là dans la joie, à boire, à faire bonne chère avec leur roi. « Pour toi, dit-il à Alexandre, je ne tarderai pas à te revoir à Babylone. » Ce discours fini, il monta sur le bûcher, s’y coucha, et se couvrit le visage. Quand il sentit la flamme approcher, il ne fit aucun mouvement, il demeura couché dans la même posture, et consomma son sacrifice, suivant la coutume des sages de son pays. Bien des années après, un autre Indien, qui accompagnait César, fit la même chose à Athènes ; et l’on montre encore aujourd’hui son tombeau, qu’on appelle le tombeau de l’Indien. Alexandre, au retour du sacrifice, réunit à souper plusieurs de ses amis et de ses capitaines, et proposa un prix à celui qui boirait le plus. Promachus fut le vainqueur : il avait bu quatre congés de vin[1] ; il reçut un talent[2] pour prix de sa victoire, et mourut au bout de trois jours. Des autres

  1. Environ treize litres.
  2. Environ six mille francs de notre monnaie.