Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/537

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coup de pied. Un jour, après s’être déshabillé, pour se faire frotter d’huile, il se mit à jouer à la paume ; et, lorsqu’il voulut reprendre ses habits, les jeunes gens qui avaient joué avec lui virent un homme assis sur son trône, vêtu de la robe royale, la tête ceinte du diadème, et gardant le silence. On lui demanda qui il était. Il resta longtemps sans répondre ; puis à la fin, revenu à lui-même : « Je m’appelle, dit-il, Dionysius ; je suis Messénien ; on m’a transporté de la mer à Babylone, à la suite d’une accusation intentée contre moi, et j’y suis resté longtemps dans les fers : aujourd’hui, Sérapis m’est apparu : il a brisé mes chaînes, il m’a conduit ici, m’a ordonné de prendre la robe et le diadème du roi, de m’asseoir sur son trône, et de garder le silence. »

Sur cette réponse, Alexandre, par le conseil des devins, fit mourir cet homme ; mais il tomba dans une tristesse profonde, se défiant de la protection des dieux, et soupçonnant ses amis. Il craignait surtout Antipater et ses fils, dont l’un, nommé Iolaüs, était son grand échanson ; l’autre, appelé Cassandre, venait d’arriver tout récemment ; et, comme il eut vu des Barbares adorer Alexandre, il s’était mis à rire aux éclats, en homme nourri dans les mœurs de la Grèce, et qui n’avait jamais rien vu de semblable. Alexandre, courroucé de cette irrévérence, le prit à deux mains par les cheveux, et lui frappa la tête contre la muraille. Une autre fois, Cassandre voulut justifier Antipater contre ses accusateurs ; Alexandre le reprit aigrement : « Que prétends-tu donc ? lui dit-il ; des hommes à qui l’on n’aurait fait aucun tort seraient-ils venus de si loin pour accuser faussement ton père ? — Ce qui prouve leur calomnie, répondit Cassandre, c’est précisément de s’être éloignés de ceux qui pourraient les convaincre de fausseté. — Voilà, reprit Alexandre en éclatant de rire, voilà de ces sophismes d’Aristote, qui prouvent le pour et le contre ; mais vous n’en serez