Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/566

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’avait été si solennellement célébrée ; mais le soulèvement simultané de tant de nations avait montré toute la grandeur du péril ; et l’affection du peuple attachait plus d’éclat à la victoire, parce que c’était César qui était le vainqueur. On sait, en effet, que César venait chaque année, après avoir réglé les affaires de la Gaule, passer l’hiver aux environs du Pô, pour tenir la main aux affaires de Rome. Il ne se bornait pas à fournir aux candidats l’argent nécessaire pour corrompre le peuple, et à se faire ainsi des partisans qui employaient toute leur autorité à accroître sa puissance : il donnait rendez-vous dans Lucques à tout ce qu’il y avait à Rome de plus illustres personnages et de plus considérables, tels que Pompée, Crassus, Appius, gouverneur de la Sardaigne, et Népos, proconsul d’Espagne ; en sorte qu’il s’y trouva jusqu’à cent vingt licteurs portant faisceaux, et plus de deux cents sénateurs.

Ce fut là qu’avant de se séparer, ils tinrent un conseil, dans lequel on convint que Crassus et Pompée seraient désignés consuls pour l’année suivante ; que l’on continuerait à César, pour cinq autres années, le gouvernement de la Gaule, et qu’on lui fournirait l’argent nécessaire. Ces mesures révoltèrent tout ce qu’il y avait de gens sensés à Rome ; car, ceux à qui César donnait de l’argent engageaient le Sénat à lui en fournir, comme s’il en eût manqué, ou plutôt faisaient violence au Sénat, lequel gémissait lui-même de ses propres décrets. Il est vrai que Caton était absent : on l’avait à dessein envoyé en Cypre. Favonius, imitateur zélé de Caton, tenta de s’opposer à ces décrets ; et, voyant l’inutilité de ses efforts, il s’élança hors du Sénat, et alla dans l’assemblée du peuple, protester hautement contre ces lois. Mais il ne fut écouté de personne : les uns étaient retenus par leur respect pour Pompée et pour Crassus ; le plus grand nombre voulaient faire plaisir à César, et se tenaient