Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/576

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lui avait prêtées pour la guerre des Gaules. César les lui renvoya sur-le-champ, après avoir donné à chaque soldat deux cent cinquante drachmes[1].

Les officiers qui les ramenèrent à Pompée répandirent parmi le peuple des bruits défavorables à César, et corrompirent Pompée par de vaines espérances, en l’assurant que l’armée de César désirait l’avoir pour chef ; que si, à Rome, l’opposition de ses envieux et les vices du gouvernement mettaient des obstacles à ses desseins, l’armée des Gaules lui était toute acquise ; qu’à peine elle aurait repassé les monts, elle se rangerait à l’instant sous sa loi : « Tant, disaient-ils, César leur est devenu odieux par ses campagnes sans cesse répétées ! tant il s’est rendu suspect par la crainte qu’on a de le voir aspirer à la monarchie ! » Ces propos enflèrent si bien le cœur de Pompée, qu’il négligea de faire des levées, croyant n’avoir rien à craindre, et se bornant à combattre les demandes de César par des discours et des opinions ; ce dont César s’embarrassait fort peu. On assure qu’un de ses centurions, qu’il avait dépêché à Rome, et qui se tenait à la porte du conseil, ayant entendu dire que le Sénat refusait à César la continuation de ses gouvernements : « Voici qui la lui donnera, » dit-il, en frappant de la main la garde de son épée.

Cependant la demande faite au nom de César avait une noble apparence de justice : il offrait de poser les armes, pourvu que Pompée en fit autant. Devenus ainsi l’un et l’autre simples particuliers, ils attendraient les honneurs que leurs concitoyens voudraient leur décerner ; mais lui ôter son armée et laisser à Pompée la sienne, c’était, en accusant l’un d’aspirer à la tyrannie, donner à l’autre les moyens d’y parvenir. Ces offres, que Curion faisait au nom de César, furent accueillies par le peuple avec d’una-

  1. Deux cent trente francs environ de notre monnaie.