Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/581

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main, comme s’ils l’eussent enlevé aux ennemis ; il y en eut même qui, d’abord tout dévoués au parti de César, perdirent la tête dans le premier moment d’épouvante, et, sans aucune nécessité, se laissèrent entraîner par le torrent des fuyards.

C’était un spectacle bien digne de pitié que de voir la ville assaillie par cette terrible tempête, abandonnée comme un vaisseau sans pilote, et emportée à l’aventure. Mais, quelque déplorable que fût cette fuite, c’était dans l’exil que les citoyens voyaient la patrie, à cause de leur attachement pour Pompée ; et ils abandonnaient Rome comme le camp de César. Labiénus lui-même, un des plus intimes amis de César, et qui avait été son lieutenant, Labiénus qui s’était comporté dans toutes les guerres des Gaules avec le zèle d’un brave, quitta son parti, et alla rejoindre Pompée. César ne laissa pas, malgré cette désertion, de lui renvoyer son argent et ses équipages. Il alla camper ensuite devant Corfinium, où Domitius commandait pour Pompée. Domitius, désespérant de pouvoir défendre la place, demanda du poison à un de ses esclaves, qui était son médecin, et l’avala dans l’espérance de mourir ; mais, ayant bientôt appris avec quelle admirable bonté César traitait les prisonniers, il se mit à déplorer son malheur, et la précipitation avec laquelle il avait pris cette résolution funeste. Son médecin le rassura, en lui disant que le breuvage qu’il avait bu n’était pas un poison mortel, mais un simple narcotique. Content de cette assurance, Domitius se lève, et va trouver César, qui le reçoit en grâce. Cependant Domitius se déroba bientôt, et retourna vers Pompée.

Ces nouvelles, portées à Rome, ranimèrent la joie dans le cœur de ceux qui y étaient restés ; et plusieurs des fugitifs y retournèrent. César prit les troupes de Domitius, et les incorpora dans son armée ainsi que les recrues levées dans les villes au nom de Pompée, et qui