Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/586

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dusium ; et César, plein de confiance, présenta le combat à Pompée.

Pompée, campé dans un poste avantageux, tirait abondamment de la terre et de la mer tout ce qu’il lui fallait de provisions ; tandis que César, qui, dès le commencement, n’avait pas été dans l’abondance, se trouva plus tard réduit à manquer même des choses les plus nécessaires. Ses soldats, pour se nourrir, pilaient une certaine racine, qu’ils détrempaient avec du lait ; quelquefois même ils en faisaient des pains ; et, s’avançant jusqu’aux premiers postes des ennemis, ils jetaient de ces pains dans leurs retranchements, en leur disant que, tant que la terre produirait de ces racines, ils ne cesseraient pas de tenir Pompée assiégé. Pompée défendit qu’on montrât ces pains à ses soldats, et qu’on leur rapportât ces discours ; car son armée se décourageait, et frissonnait à l’idée de la dureté et de l’insensibilité farouche des ennemis, comme s’ils eussent eu affaire à des bêtes sauvages. Il se faisait chaque jour, près du camp de Pompée, des escarmouches où César avait toujours l’avantage ; une fois pourtant ses troupes furent mises en pleine déroute, et il se vit en danger de perdre son camp.

Pompée avait attaqué avec vigueur : aucun des corps de César ne tint ferme ; ils prirent tous la fuite ; les tranchées furent remplies de morts ; et ils furent poursuivis jusque dans leurs lignes et leurs retranchements. César court au-devant des fuyards, et tâche de les ramener au combat ; mais tous ses efforts sont inutiles : il veut saisir les enseignes, mais ceux qui les portaient les jettent à terre, et trente-deux tombent au pouvoir de l’ennemi. César lui-même manqua de périr : il avait voulu retenir un soldat grand et robuste, qui fuyait comme les autres, et l’obliger de faire face à l’ennemi : cet homme, troublé par le danger, et hors de lui-même, leva l’épée pour le frapper ; mais l’écuyer de César le prévint, et d’un coup