Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/587

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d’épée lui abattit l’épaule. César croyait déjà tout perdu ; mais Pompée, ou par un excès de précaution, ou par un caprice de la Fortune, ne conduisit pas à son terme un si heureux commencement : satisfait d’avoir forcé les fuyards à se renfermer dans leur camp, il se retira. Aussi César, en s’en retournant, dit à ses amis : « La victoire était aujourd’hui aux ennemis, s’ils avaient eu un chef qui sût vaincre. » Rentré dans sa tente, il se coucha, et il passa la nuit dans la plus cruelle inquiétude, et en proie à une affreuse perplexité : il se reprochait la faute qu’il avait faite, lorsque, ayant devant lui un pays abondant et les villes opulentes de la Macédoine et de la Thessalie, au lieu d’attirer la guerre de ce côté, il était venu camper sur les bords de la mer, sans avoir rien à opposer à la flotte des ennemis, et bien plus assiégé par la disette qu’il n’assiégeait Pompée par les armes.

Déchiré par ces réflexions, affligé de la nécessité qui le pressait et de la situation fâcheuse où il était réduit, il lève son camp, résolu d’aller dans la Macédoine combattre Scipion : il espérait ou attirer Pompée sur ses pas, et l’obliger de combattre dans un pays qui ne lui donnerait plus la facilité de tirer ses provisions par mer, ou venir aisément à bout de Scipion, si Pompée l’abandonnait. La retraite de César enfla le courage des soldats et des officiers de Pompée : ils voulaient qu’on le poursuivît sur-le-champ, comme un homme déjà vaincu et mis en fuite. Mais Pompée était trop prudent pour mettre de si grands intérêts au hasard d’une bataille : abondamment pourvu de tout ce qui lui était nécessaire pour attendre le bénéfice du temps, il croyait plus sage de tirer la guerre en longueur, et de laisser se flétrir le peu de vigueur qui restait encore aux ennemis. Les plus aguerris des soldats de César montraient dans les combats beaucoup d’expérience et d’audace ; mais, dès qu’il leur fallait faire des marches et des campements, assiéger les