Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/609

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foule se fut ouverte pour lui donner passage, il s’approcha de César, et lui présenta un diadème enlacé d’une branche de laurier. On n’entendit, à ce moment, qu’un battement de mains faible et sourd, qui venait de gens apostés. Mais, César ayant repoussé la main d’Antoine, tout le peuple applaudit. Antoine lui présenta une seconde fois le diadème, et très-peu de personnes battirent des mains ; César le repoussa encore, et la place retentit d’applaudissements universels. Convaincu, par cette épreuve, des dispositions du peuple, César se lève, et commande qu’on porte ce diadème au Capitole. Quelque temps après, on vit ses statues couronnées d’un bandeau royal : deux tribuns du peuple, Flavius et Marullus, allèrent sur les lieux arracher ces diadèmes ; et, ayant rencontré ceux qui, les premiers, avaient salué César roi, ils les arrêtèrent, et les conduisirent en prison. Le peuple suivait ces magistrats en battant des mains, et les appelait des Brutus, parce que c’était Brutus qui avait détruit jadis la royauté, et transféré des mains d’un seul le pouvoir souverain au Sénat et au peuple. César /irrité de cet affront, dépouilla Marullus et Flavius de leur charge, et mêla à ses accusations contre les tribuns des insultes contre le peuple lui-même, en appelant les Romains, à plusieurs reprises, des brutes et des Cuméens[1].

Cet événement attira les regards de la multitude sur Marcus Brutus : il passait pour être, du côté paternel, un descendant de l’ancien Brutus ; par sa mère, il était de la famille Servilia, autre maison non moins illustre ; il était d’ailleurs neveu et gendre de Caton. Ce qui émoussait en lui le désir de ruiner la monarchie, c’étaient les honneurs et les bienfaits qu’il avait reçus de

  1. Les habitants de Cumes, en Éolie, passaient pour des gens grossiers et stupides.