Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/633

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breuse, parce qu’on espérait que les Eubéens se joindraient à lui. Mais il trouva le pays rempli de traîtres, corrompu, miné en partie par l’argent que Philippe y avait répandu ; et il se vit dans le plus grand danger. Il s’empara d’une éminence qui était séparée de la plaine de Tamynes par une vallée profonde, et y retint l’élite de ses troupes, conseillant à ses officiers de ne tenir aucun compte des soldats indisciplinés, mutins et raisonneurs qui désertaient le camp. « Leur insubordination les rendrait inutiles ici, disait Phocion : ils deviendraient même nuisibles à ceux qui ne demandent qu’à combattre ; d’un autre côté, se sentant coupables de désertion, ils n’oseront nous calomnier dans Athènes, et crieront moins fort contre nous. »

Quand les ennemis furent en présence, il ordonna à ses troupes de se tenir immobiles et sous les armes, jusqu’à ce qu’il eût fait le sacrifice d’usage. Ce sacrifice dura longtemps, soit que les signes ne fussent pas favorables, soit qu’il voulût par là engager les ennemis à s’approcher davantage. Plutarchus, attribuant cette lenteur à la peur que Phocion avait de combattre, courut sur les ennemis avec les étrangers qu’il commandait. La cavalerie, qui le vit aller à la charge, ne put se contenir, et fondit aussi sur les ennemis ; mais ce fut en désordre, les rangs écartés, et comme si elle sortait des retranchements. Les premiers ayant été facilement rompus, tous les autres se débandèrent, et Plutarchus lui-même prit la fuite. La plupart des ennemis, croyant avoir tout vaincu, se mettent à la poursuite des fuyards, vont jusqu’aux portes du camp, et travaillent à en abattre la clôture. Dans ce moment, le sacrifice de Phocion était achevé : les Athéniens sortent de leurs retranchements, tombent sur les assaillants, et les mettent en fuite, après en avoir fait un grand carnage à l’entrée même du camp. Phocion ordonne à sa phalange de rester à son poste, et de recevoir ceux qui