Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/636

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places où Philippe avait mis des garnisons, et fit des descentes en plusieurs endroits de ses frontières. Il courut le pays et le pilla, jusqu’à ce que, de nouvelles troupes étant venues au secours des premières, il reçut une blessure, et fut obligé de se retirer.

Les Mégariens appelèrent Phocion à leur secours ; mais Phocion, qui craignit que les Béotiens ne le prévinssent, s’ils venaient à être instruits de cette démarche, fait assembler le peuple de grand matin, pour lui faire part de la proposition des Mégariens. Les Athéniens ayant décrété qu’on irait à leur secours, Phocion fit aussitôt donner le signal de prendre les armes ; et, du lieu de l’assemblée, il mène ses troupes droit à Mégare[1], où les habitants le reçoivent avec empressement. Il s’occupe d’abord de fortifier le port de Nisée[2], en tirant deux murailles depuis la ville jusqu’au port. Par ce moyen, il joignit la ville à la mer ; en sorte que, n’ayant plus à craindre les ennemis du côté de la mer, Mégare fut entièrement à la disposition des Athéniens.

Les Athéniens s’étaient déclarés ouvertement contre Philippe, et avaient nommé, en l’absence de Phocion, d’autres généraux pour conduire cette guerre : Phocion ne fut pas plutôt de retour des îles, qu’il conseilla aux Athéniens de profiter des dispositions pacifiques de Philippe, et des craintes qu’il avait sur l’issue de la guerre, pour accepter ses propositions. Un des orateurs qui avaient coutume de rôder autour du tribunal de l’Héliée, et qui n’avaient d’autre métier que celui d’accuser, éleva la voix contre cet avis : « Oses-tu bien, Phocion, dit-il, détourner les Athéniens de cette guerre, quand ils ont déjà les armes à la main ? — Sans doute, répondit Pho-

  1. Ville située à la frontière occidentale de l’Attique.
  2. Près de Mégare ; Nisée était le port et l’arsenal maritime de cette ville.