Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/637

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cion ; quoique pourtant je sache bien que si l’on fait la guerre je te commanderai, tandis que si l’on fait la paix c’est toi qui me commanderas. » Néanmoins, il ne put persuader le peuple ; et Démosthène, qui conseillait de donner la bataille le plus loin possible de l’Attique, l’ayant emporté, Phocion lui dit : « Mon ami, ne cherchons pas où nous combattrons, mais plutôt comment nous vaincrons ; car c’est là le seul moyen de porter la guerre loin de nous ; tandis que, si nous sommes battus, tous les maux seront à notre porte. »

Après la perte de la bataille[1], les séditieux de la ville et ceux qui ne cherchaient que des nouveautés traînèrent Charidémus au tribunal, et demandèrent qu’on lui donnât le commandement des troupes. Les gens de bien, alarmés de cette proposition, appellent l’Aréopage à leur secours ; et par leurs prières et leurs larmes ils obtiennent, non sans peine, que la ville soit remise entre les mains de Phocion. Phocion propose aussitôt aux Athéniens d’accepter les règlements et conditions raisonnables qu’offrait Philippe. Mais, Démade ayant dressé un décret qui portait que la ville serait comprise dans la paix générale, et qu’elle entrerait dans l’assemblée de toute la Grèce, Phocion s’y opposa, et donna le conseil d’attendre qu’auparavant Philippe eût fait connaître ce qu’il prétendait demander aux Grecs. Son avis fut rejeté, à cause des conjonctures difficiles où l’on se trouvait, et, bientôt après, Phocion, voyant que les Athéniens se repentaient de ne pas avoir suivi son conseil, obligés qu’ils étaient de fournir à Philippe des vaisseaux et un corps de cavalerie : « Voilà précisément ce que je redoutais, dit-il,

  1. Cette bataille, que Plutarque ne nomme pas parce que tout le monde savait bien ce qu’il voulait dire au seul mot ᾖττα, la défaite par excellence, c’est la bataille de Chéronée, où Philippe vainquit les Athéniens, et, par suite, fit accepter son protectorat à toute la Grèce.