Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/638

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quand je me suis opposé à votre résolution ; mais, puisque vous avez accepté ces conditions, il les faut supporter avec patience et courage, et vous ressouvenir que vos ancêtres, tantôt vainqueurs, tantôt soumis, se conduisirent toujours avec tant de sagesse, dans l’une et l’autre fortune, qu’ils sauvèrent Athènes et la Grèce entière. » Le peuple, ayant appris la mort de Philippe, voulait faire des sacrifices aux dieux pour cette heureuse nouvelle ; mais Phocion ne le permit pas. « Rien, dit-il, ne montre mieux un cœur bas, que de se réjouir de la mort d’un ennemi. D’ailleurs, l’armée qui vous a défaits à Chéronée n’est affaiblie que d’un seul homme. » Démosthène, dans ses harangues, invectivait un jour contre Alexandre, qui s’avançait déjà sur Thèbes avec ses troupes. « Hé quoi ! dit Phocion,

Malheureux, tu veux donc irriter ce guerrier farouche[1] ?


cet homme si avide de gloire ? Quand ce terrible incendie est si près de nous, veux-tu y précipiter la ville ? Pour moi, je ne consentirai jamais à ce que les Athéniens courent, même volontairement, à leur perte : « c’est dans cette vue seule que j’ai accepté le commandement. »

Après qu’Alexandre eut ruiné Thèbes, il fit demander aux Athéniens qu’ils lui livrassent Démosthène, Lycurgue, Hypéride et Charidémus. Toute l’assemblée tourna ses regards du côté de Phocion, et l’appela à diverses reprises. Il se leva enfin ; et, faisant approcher celui d’entre ses amis qui lui était le plus cher, et en qui il avait le plus de confiance, il dit au peuple : « Ceux qu’Alexandre vous somme de livrer ont réduit la ville à une telle détresse, que, s’il exigeait ce Nicoclès,

  1. Odyssée, ix, 104.