Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/646

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vaisseaux, ni troupes. » Et l’événement justifia ses appréhensions. À la vérité, le début de Léosthène fut brillant : il défit les Béotiens en bataille rangée, et força Antipater de se renfermer dans Lamia. Les Athéniens en furent transportés de joie, et se livrèrent aux plus flatteuses espérances, faisant sans cesse des sacrifices, et célébrant des fêtes. Quelqu’un, croyant confondre Phocion, lui demanda s’il ne voudrait pas avoir fait lui-même ces exploits. « Sans doute, répondit Phocion, je voudrais les avoir faits ; mais je ne me repens nullement de ce que j’ai conseillé. » Et, comme chaque jour l’on apprenait du camp quelque nouveau succès, il s’écria : « Quand donc cesserons-nous de vaincre ? » Léosthène était mort pendant la guerre ; ceux qui redoutaient de voir nommer Phocion pour la continuer, et qu’il ne la terminât bientôt, apostèrent un citoyen peu connu, lequel se leva dans l’assemblée, et dit, qu’en sa qualité d’ami et de camarade de Phocion, il engageait les Athéniens à ménager un général qui n’avait pas son pareil dans Athènes, et à charger Antiphilus du commandement de l’armée. Déjà le peuple se rendait à cet avis, lorsque Phocion, s’avançant au milieu de l’assemblée, déclara que jamais il n’avait été ni l’ami ni le camarade de cet homme, que jamais même il ne l’avait connu. « Au reste, ajouta-t-il en s’adressant à cet homme, dès ce moment je te considère comme mon ami, puisque tu as conseillé au peuple ce qui m’est le plus avantageux. »

Les Athéniens voulaient à toute force déclarer la guerre aux Béotiens ; Phocion s’y opposa ; et, comme ses amis lui représentaient que le peuple le ferait mourir, s’il ne renonçait à y mettre obstacle : « C’est possible, répondit Phocion ; mais ce sera injustement, si je lui donne des