Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/677

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mande, les amis de Caton éclatèrent de rire, sans pouvoir se contenir en traversant cette multitude. Caton tout confus : « Ô malheureuse république ! » s’écria-t-il, sans rien ajouter davantage. Mais, dans la suite, il ne pouvait s’empêcher de rire de cette aventure, toutes les fois qu’il la racontait, ou même qu’elle lui revenait en mémoire.

Quoi qu’il en soit, Pompée lui-même corrigea ceux qui, par ignorance, commettaient de pareilles fautes envers Caton. Celui-ci, en arrivant à Éphèse, alla saluer Pompée, qui était son aîné, et qui l’emportait de beaucoup sur lui par la réputation et commandait alors les plus puissantes armées de la république. Dès que Pompée l’eut aperçu, au lieu de l’attendre sur son siège, il se leva, et alla à sa rencontre, comme il eût fait pour un des plus grands personnages de Rome ; il le prit par la main et l’embrassa, loua sa vertu en sa présence, et en fit de plus grands éloges encore lorsqu’il se fut retiré. Dès ce moment, tous les yeux se tournèrent vers Caton ; et, en l’examinant de près, on en vint à admirer en sa personne les choses mêmes qui l’avaient d’abord fait mépriser, et l’on reconnut sa douceur et sa grandeur d’âme. On s’aperçut que cet accueil empressé que lui avait fait Pompée venait plutôt de son estime que de son affection ; et l’on vit clairement que Pompée, qui le comblait, pendant qu’il l’eut chez lui, de témoignages d’admiration et de respect, était bien aise de le voir partir : en effet, lui qui n’épargnait rien pour retenir les autres jeunes gens qui le venaient voir, et qui était enchanté de les faire rester auprès de lui, il ne fit aucun effort pour arrêter Caton ; et, comme si la présence de cet homme eût été une sorte de censure de l’usage qu’il faisait de son autorité, il vit son départ avec joie. Toutefois Pompée lui recommanda ses enfants et sa femme ; ce qu’il n’avait fait encore à aucun de ceux qui s’en retournaient à Rome : il est vrai que les enfants et la femme de Pompée avaient