Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/678

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avec Caton un lien de parenté. Depuis ce temps, les villes s’empressèrent à l’envi de donner à Caton des banquets et des fêtes ; mais Caton priait ses amis de veiller sur lui, de peur que, sans y penser, il ne vérifiât le mot de Curion. Fâché de l’austérité de Caton, Curion, son ami et son familier, lui avait demandé un jour si, le temps de son emploi fini, il ne serait pas bien aise de visiter l’Asie. « Sans nul doute, répondit Caton. — Eh bien ! tant mieux, reprit Curion : tu en reviendras plus doux et plus traitable. » C’est le sens du mot dont il se servit[1].

Déjotarus, le Galate, qui était déjà d’un grand âge, pria Caton de le venir voir, afin de lui recommander ses enfants et sa famille. Dès qu’il fut arrivé, Déjotarus lui envoya des présents de toute espèce, et employé les moyens les plus puissants, les instances les plus vives pour les lui faire accepter. Caton fut tellement irrité de ces obsessions, qu’il ne passa qu’une nuit dans le palais : il était arrive à la nuit tombante, et il repartit le lendemain matin à la troisième heure. En arrivant à Pessinunte[2], le soir du même jour, il y trouva des présents plus considérables encore qui l’attendaient, et des lettres du Galate, qui le conjurait de les agréer, ou, s’il persistait à les refuser, de les laisser au moins prendre à ses amis. « Ils méritent, disait Déjotarus, de recevoir du bien de toi ; mais tu n’es pas en état de les enrichir de ton patrimoine. » Mais Caton ne consentit pas même à cet arrangement, bien qu’il vît quelques-uns de ses amis qui n’eussent pas mieux demandé, et qui murmuraient de son refus. « Si une fois je me laissais gagner, leur dit-il, on ne manquerait jamais de prétexte pour se laisser corrompre ; du reste, je partagerai toujours avec mes amis ce que je posséderai justement, ce que j’aurai acquis par des voies

  1. Ce mot est mansuetior.
  2. Ville de la Galatie ou Gallo-Grèce, près du fleuve Sangarius.