Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/692

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la dépense était par année de douze cent cinquante talents[1]. Cette largesse, dictée par l’humanité, prévint les troubles dont la ville était menacée ; mais bientôt Métellus, étant entré dans l’exercice de son tribunat, forma des assemblées séditieuses, et proposa une loi qui rappelait en toute hâte le grand Pompée en Italie, avec ses troupes, pour garder et protéger Rome, à raison des dangers dont la menaçaient les complots de Catilina. Ce n’était qu’un prétexte spécieux : l’intention et le but de la loi étaient de mettre Pompée à la tête des affaires, et de l’investir d’une autorité absolue. Le Sénat s’assembla ; et Caton, au lieu de tomber sur Métellus avec sa violence ordinaire, ne lui fit que des représentations douces et modérées : il descendit même jusqu’aux prières, et loua la maison des Métellus, comme une de celles qui avaient toujours été du parti aristocratique. Cette modération ne fit qu’accroître l’audace de Métellus : méprisant Caton, comme un homme que la peur faisait céder, il se permit des menaces insolentes, d’impertinents discours, et déclara qu’il ferait, malgré le Sénat, tout ce qu’il avait résolu. Alors Caton change de contenance, de ton et de langage : il parle à Métellus avec beaucoup d’aigreur, et finit par protester que, lui vivant, Pompée n’entrera point en armes dans Rome. Le Sénat jugea que ni Caton ni Métellus ne se possédaient plus, et qu’ils ne faisaient point usage de leur raison. Mais la conduite de Métellus était d’un furieux, que l’excès de sa méchanceté portait à tout brouiller et à tout perdre ; tandis que Caton ne faisait que céder à cet enthousiasme de vertu qui l’animait pour la défense de l’honneur et de la justice.

Le jour que le peuple devait porter son suffrage sur cette loi, Métellus amena ses esclaves avec une troupe d’étrangers et de gladiateurs en armes, et les rangea en

  1. Plus de sept millions de francs.