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LUCULLUS.

dans la plaine, battit deux ou trois fois les Arméniens, qui avaient osé l’attaquer, pilla sans obstacle tout le pays, enleva les provisions de blé qu’on avait faites pour Tigrane, et jeta les ennemis dans la disette qu’il avait redoutée pour lui-même. Il provoquait sans cesse les ennemis au combat, tantôt environnant leur camp de tranchées, tantôt ravageant sous leurs yeux tous les environs ; mais rien ne put exciter des troupes tant de fois battues. Lucullus partit donc, et se porta sur Artaxata, séjour royal de Tigrane, où étaient ses plus jeunes enfants et ses femmes. Il ne doutait pas que Tigrane, pour conserver des objets si chers, ne risquât une bataille.

Annibal, après la défaite d’Antiochus par les Romains, se retira, dit-on, auprès d’Artaxas l’Arménien, à qui il donna plusieurs conseils et plusieurs instructions utiles ; entre autres, ayant remarqué dans le pays un lieu très-agréable et très-fertile, qu’on laissait en friche et qui était absolument négligé, il y traça le plan d’une ville ; puis il mena Artaxas en cet endroit, lui montra ce plan, et l’exhorta à faire bâtir la ville. Le roi, charmé de cette idée, le pria de présider lui-même à l’ouvrage ; et bientôt l’on vit s’élever une grande et magnifique ville, qui prit son nom de celui du roi, et reçut le titre de capitale de l’Arménie.

Tigrane ne put se résigner à voir marcher Lucullus contre Artaxata : il rassemble son armée, et au quatrième jour il vient camper en face des Romains. Les deux armées étaient séparées par le fleuve Arsanias[1], que les Romains avaient nécessairement à passer pour arriver devant Artaxata. Lucullus, après avoir sacrifié aux dieux, se tenant sûr de la victoire, s’occupa de faire passer la rivière à son armée. Il avait placé douze cohortes en front de bataille, les autres derrière à la file, car il craignait

  1. Un des affluents de l’Euphrate.