Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/106

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cusé d’avoir fait trafic de son éloquence, et d’avoir composé secrètement des plaidoyers pour Phormion et pour Apollodore, les deux parties adverses d’un procès. On lui a reproché d’avoir reçu de l’argent du roi de Perse ; et il fut condamné pour en avoir reçu d’Harpalus. Dirons-nous que ce sont là des calomnies inventées par ses ennemis ? Il en eut, il est vrai, un grand nombre ; mais il n’est pas possible de nier que Démosthène n’eut jamais la force de résister aux présents que lui faisaient les rois pour lui témoigner leur reconnaissance et leur estime ; et c’est là en effet ce qu’on devait attendre d’un homme qui plaçait son argent à usure sur les vaisseaux. Au contraire, Cicéron, comme il a été dit, refusa constamment et les présents que les Siciliens lui envoyèrent pour son édilité, et ceux que le roi de Cappadoce lui offrit pendant son proconsulat, ceux enfin qu’à son exil de Rome tous ses amis voulurent le forcer de recevoir.

Le bannissement de l’un fit sa honte, ayant été condamné pour crime de concussion ; l’exil de l’autre le couvrit de gloire, n’ayant été chassé de Rome que pour avoir délivré sa patrie d’affreux scélérats. Aussi la sortie de l’un ne fit aucune sensation dans Athènes ; et, quand Cicéron sortit de Rome, le Sénat prit la robe noire, porta le deuil, et défendit qu’on traitât d’aucune affaire avant que le peuple eût décrété le rappel de Cicéron. Il est vrai que Cicéron passa en Macédoine dans une complète inaction le temps de son exil, tandis que l’exil même fut une période importante dans la carrière politique de Démosthène. Il parcourait les villes, luttant, comme nous l’avons dit, pour les intérêts de la Grèce, chassant les ambassadeurs macédoniens, et se montrant bien meilleur citoyen que ne l’avaient été, dans des situations pareilles, Thémistocle et Alcibiade. Revenu dans sa patrie, il se remit aux affaires publiques avec les mêmes principes, et ne cessa de résister à Antipater et aux Macédoniens.