Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/130

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à l’exécuteur Archidamie, l’aïeule d’Agis, femme fort avancée en âge, et qui avait vieilli dans la considération et l’estime de ses concitoyens. Après cette exécution, il fit entrer Agésistrata dans la chambre, où elle trouva son fils gisant par terre, et sa mère encore suspendue au cordon. Elle aida elle-même les exécuteurs à détacher le corps d’Archidamie ; puis, après l’avoir étendu auprès de celui de son fils, elle l’enveloppa et le couvrit avec soin. Ensuite elle se jeta sur le cadavre de son fils ; et, le baisant avec tendresse : « Ô mon fils ! dit-elle, c’est l’excès de ta modestie, de ta douceur et de ton humanité qui a causé ta perte et la nôtre. » Ampharès, qui de la porte entendait et voyait tout, entra en ce moment, et dit avec emportement à Agésistrata : « Puisque tu as partagé les sentiments de ton fils, tu subiras le même châtiment. » Alors Agésistrata, se levant pour aller au-devant du cordon : « Puisse du moins, dit-elle, cette injustice être utile à Sparte ! »

Quand le bruit de ces exécutions se fut répandu dans la ville, et qu’on eut emporté de la prison les corps d’Agis, de sa mère et de son aïeule, la crainte même ne fut pas assez puissante pour empêcher les citoyens de témoigner ouvertement la douleur que leur causaient de telles cruautés, et toute la haine qu’ils portaient à Léonidas et à Ampharès. « Jamais, disaient-ils, depuis l’établissement des Doriens dans le Péloponnèse, il ne s’est commis de forfait aussi atroce et aussi impie. — Et en effet, les ennemis mêmes qui, dans les combats, se rencontraient devant les rois de Sparte, ne portaient pas facilement la main sur eux : ils les évitaient plutôt, pénétrés de crainte et de respect pour la dignité de leur caractère. Aussi, dans tant de batailles livrées par les Lacédémoniens contre les Grecs, Cléombrotus[1]

  1. L’an 371 avant J.-C. C’est Cléombrotus I.