Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/133

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des disciples les plus distingués de Zénon de Citium[1]. Le caractère mâle de Cléomène lui inspira, à ce qu’il paraît, une affection particulière ; et il se plut à enflammer en lui l’amour de la gloire. On demandait à l’ancien Léonidas quel était, selon lui, le mérite du poète Tyrtée. « Je le crois propre, répondit-il, à charmer les âmes des jeunes gens. » Pénétrés d’enthousiasme par ces poésies, on les voyait, en effet, prodiguer leur vie dans les combats. La philosophie stoïcienne a, pour les natures grandes et généreuses, je ne sais quoi de dangereux, et qui les porte à la témérité ; mais, lorsqu’elle trouve un caractère grave et doux, c’est alors surtout qu’elle produit ses fruits les plus heureux.

Cléomène, à la mort de Léonidas, prit possession de la royauté : voyant tous les citoyens de Sparte plongés dans la corruption ; les riches, esclaves de l’avarice et de la volupté, sacrifiant à leurs passions l’intérêt public ; le peuple, accablé de misère, qui se portait mollement à la guerre et qui avait perdu jusqu’à la noble ambition de bien élever ses enfants ; voyant en outre que lui-même n’avait que le vain titre de roi, et que tout le pouvoir était aux mains des éphores, il conçut la pensée, dès son avènement, de changer cet état de choses. Il avait un ami, nommé Xénarès, qui avait été autrefois amoureux de lui : passion que les Lacédémoniens appellent une inspiration divine. Il lui demanda, pour le sonder, quelle avait été la conduite d’Agis comme roi ; de quels moyens et de quelles personnes il s’était servi dans la route qu’il avait suivie. Xénarès prit d’abord plaisir à se rappeler ces événements, et à lui raconter en détail comment tout s’était passé ; mais, quand il vit Cléomène se passionner et s’enflammer pour les changements qu’Agis avait voulu faire, et lui en demander souvent le récit, il le reprit alors

  1. Le fondateur de l’école stoïcienne.