Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/139

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citoyens qu’il craignait de trouver opposés à son entreprise, il les mena à une expédition contre les villes d’Héréa[1] et d’Alséa[2], qui étaient sous l’obéissance des Achéens : il s’en empara ; puis il alla ravitailler Orchomène, et camper devant Mantinée. Il fatigua tellement les Lacédémoniens, par les longues marches qu’il leur fit faire de côté et d’autre, que ceux-ci le prièrent de les laisser en Arcadie, pour y prendre quelque repos : il y consentit, et ramena les soldats mercenaires à Lacédémone. En chemin, il communiqua son dessein à ceux d’entre eux dont l’affection lui était le plus connue, et poursuivit lentement sa route, pour n’arriver qu’à l’heure où les éphores seraient à table.

Quand il fut proche de la ville, il fit prendre les devants à Euryclidas, qui devait se rendre dans la salle où soupaient les éphores, comme pour leur apporter de la part de Cléomène quelque nouvelle du camp. Il était suivi de Thérision, de Phœbis, et de deux des jeunes gens qui avaient été élevés avec Cléomène, et à qui les Spartiates donnent le nom de Samothraciens[3], ainsi que d’un petit nombre de soldats. Pendant qu’Euryclidas parle aux éphores, les autres entrent précipitamment dans la salle, l’épée nue à la main, et en frappent les magistrats. Agésilas fut le premier qui tomba sous leurs coups : on le crut mort ; il profita de cette erreur, ramassa ses forces, et se glissa peu à peu, sans être aperçu, jusqu’à un petit temple consacré à la Peur. Ce temple, ordinairement fermé, se trouva, par hasard, ouvert ce jour-là : Agésilas s’y jeta, et ferma la porte sur lui. Les quatre autres éphores furent tués, et, avec eux, plus de dix des

  1. Ville d’Arcadie.
  2. Autre ville d’Arcadie, aussi nommée Aréa ou Aléa.
  3. On ne sait pas ce que pouvait signifier à Sparte un tel surnom ; mais les corrections qu’on propose pour remplacer ce mot sont loin d’être satisfaisantes.