Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/148

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la paix, et mit tout en œuvre pour en empêcher la conclusion ; mais, quand il vit qu’il n’était point écouté, et que les Achéens, effrayés de l’audace de Cléomène, trouvaient juste le dessein des Lacédémoniens, de remettre le Péloponnèse dans son premier état, il eut recours à un moyen qui n’eût été séant à aucun des Grecs, mais qui était honteux à un homme tel que lui, et indigne de tout ce qu’il avait fait jusque-là et dans la paix et dans la guerre : il appela Antigonus en Grèce, et remplit le Péloponnèse de Macédoniens, lui qui les en avait chassés dans sa jeunesse, et qui avait affranchi de leur joug la citadelle de Corinthe ; lui qui s’était rendu suspect à tous leurs rois, et qui était leur ennemi déclaré, surtout d’Antigonus, dont il parle si mal dans ses Mémoires, où il déclare qu’il a supporté de pénibles travaux et bravé de grands dangers pour délivrer Athènes de la garnison macédonienne. Et néanmoins il appela dans sa patrie ces mêmes Macédoniens ; il les fit entrer en armes dans ses propres foyers, et jusque dans son gynécée[1] ; et cela pour empêcher qu’un descendant d’Hercule, un roi de Sparte, qui voulait ramener le gouvernement de sa ville, lequel avait perdu, pour ainsi dire, son harmonie, à cette sage institution, à cette discipline dorique, fondée par Lycurgue, ne prît le titre de général des Sicyoniens et des Tritéens[2]. Il redoutait un roi qui mangeait du gros pain, qui portait un manteau d’étoffe grossière, et, ce qu’il jugeait plus terrible encore et dont il faisait un crime à Cléomène, un roi qui voulait bannir la richesse et remédier à la pauvreté ; et, de peur de passer pour obéir à Cléomène, il se soumettait, lui et toute l’Achaïe, au diadème, à la

  1. Voyez la Vie d’Aratus dans ce volume.
  2. Le texte dit Triccéens ; mais Tricca était en Thessalie, au lieu qu’il s’agit ici d’une ville de la ligue achéenne. Or, il y avait une ville de Tritées, entre la Phocide et les Locriens Ozoles, qui faisait partie de la ligue. Cette correction de Dusoul semble donc indispensable.