Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/182

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traite, s’emparèrent d’abord du camp ; puis, se mettant à la poursuite des fuyards, ils massacrèrent les derniers ; ils enveloppèrent ensuite l’armée entière, et la poussèrent dans des lieux difficiles, d’où il lui était impossible de se dégager. Mancinus, désespérant de pouvoir s’ouvrir un passage, envoya un héraut aux ennemis, pour demander quelque composition. Les Numantins firent réponse qu’ils ne se fiaient à personne, sinon à Tibérius, et exigèrent qu’on le leur envoyât. L’affection qu’ils avaient conçue pour le jeune homme venait de la réputation dont il jouissait à l’armée, comme aussi du souvenir qu’ils conservaient de son père, lequel, faisant la guerre en Espagne et y ayant subjugué plusieurs nations, avait accordé la paix aux Numantins, et fait ratifier le traité par le peuple romain, qui l’avait observé religieusement et à la lettre.

Tibérius leur fut donc envoyé : il s’aboucha avec les principaux officiers, et, après avoir obtenu certaines conditions et avoir cédé sur d’autres, il conclut avec eux un traité qui sauva évidemment vingt mille citoyens romains, outre les esclaves et ceux qui suivaient l’armée sans être enrôlés. Les Numantins restèrent maîtres de toutes les richesses qui étaient dans le camp romain et les pillèrent. Parmi le butin se trouvaient les registres de Tibérius, contenant les comptes des recettes et dépenses de sa questure. Comme il attachait un grand prix à les recouvrer, il quitta l’armée, qui était déjà en marche, et retourna à Numance, accompagné seulement de trois ou quatre de ses amis. Là, il appela les commandants de la place, et les pria de lui faire rendre ses registres, afin qu’il ne donnât point à ses ennemis un prétexte de le calomnier, quand ils le verraient hors d’état de rendre ses comptes. Les Numantins, ravis de rencontrer une occasion de l’obliger, l’invitèrent à entrer dans leur ville ; et, le voyant s’arrêter pour délibérer s’il le ferait ou non, ils