Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/192

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amis de Tibérius mourut subitement, et il parut sur son corps des taches suspectes. La multitude ne douta pas qu’il n’eût été empoisonné : la voilà qui court à son convoi, qui porte le lit funèbre, et se répand autour du bûcher. Le soupçon de l’empoisonnement se confirma, lorsqu’on vit le cadavre crever et rendre une telle quantité d’humeurs corrompues, que la flamme en fut éteinte. On essaya de la rallumer ; mais on n’en put venir à bout. Il fallut transporter le bûcher dans un autre endroit ; et ce ne fut qu’à grand’peine qu’on parvint alors à lui faire prendre feu. Tibérius, pour irriter le peuple davantage encore, prit un habit de deuil ; et, ayant amené ses enfants sur la place publique, il supplia le peuple de les prendre sous sa protection, eux et leur mère, comme si lui-même il désespérait de son salut.

Vers ce temps-là, Attalus Philopator[1], roi de Pergame, étant mort, Eudémus le Pergaménien apporta à Rome un testament, par lequel Attalus instituait le peuple romain son héritier. Tibérius, qui cherchait toujours à complaire à la multitude, proposa sur-le-champ une loi qui portait que tout l’argent provenant de la succession d’Attalus serait partagé entre les citoyens à qui il était échu des terres par le sort, afin qu’ils pussent se pourvoir d’instruments aratoires, et fournir aux premiers frais de la culture. Quant à la destination des villes qui étaient de la domination d’Attalus, il déclarait le Sénat incompétent sur ce point, et se chargeait d’en faire lui-même le rapport à l’assemblée du peuple. Cette loi blessa singulièrement le Sénat ; et Pompéius, l’un des sénateurs, s’étant levé : « Moi, dit-il, qui suis voisin de Tibérius, je sais d’une façon certaine qu’Eudémus de Pergame lui a apporté la robe de pourpre et le diadème du roi,

  1. Ou plutôt Philométor. C’est Attalus III, fils d’Eumène II et de Stratonice, et dernier roi de Pergame.