Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/209

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entouré d’une foule d’entrepreneurs, d’artistes, d’ambassadeurs, de magistrats, de soldats, de gens de lettres, leur parlant à tous avec douceur et familiarité, et ne perdant rien de sa dignité dans ces conversations, où il savait si bien s’accommoder au caractère de chacun. Aussi convainquait-il de la plus insigne calomnie ceux qui allaient disant qu’il était violent, colère et insupportable : tant sa popularité éclatait dans le commerce ordinaire et les actions communes de la vie, bien plus encore que dans les discours qu’il prononçait du haut de la tribune !

L’entreprise qu’il suivit avec le plus d’ardeur, ce fut la construction des grands chemins, où il réunit à la commodité la beauté et la grâce. Il les fit tenir en ligne droite à travers les terres, et parer de grandes pierres de taille liées ensemble par des tas de sable qu’il faisait battre comme du ciment. Quand il se rencontrait des fondrières et des ravins creusés par des torrents, ou des eaux stagnantes, il les faisait combler, ou couvrir de ponts ; en sorte que, les deux côtés du chemin se trouvant à une hauteur égale et parallèle, l’ouvrage entier était parfaitement uni et agréable à la vue. Il fit plus : tous ces chemins furent mesurés par des intervalles égaux, que les Latins appellent milles ; et chaque mille, qui fait un peu moins de huit stades[1], était marqué par une colonne de pierre qui en indiquait le nombre. Il fit placer, aux deux côtés du chemin, et à distance plus rapprochée, d’autres pierres, qui donnaient aux voyageurs la facilité de monter à cheval sans le secours de personne[2].

Comme le peuple le comblait de louanges pour tous ces travaux, et paraissait disposé à lui donner toutes les

  1. Un peu moins d’une demi-lieue. Trois milles faisaient à peu près vingt stades ou une lieue.
  2. À cette époque on ne se servait point encore d’étriers.