Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mains, et lui conseillèrent de prendre la fuite. Alors, dit-on, il se mit à genoux, et, tendant les mains vers la déesse, il la pria que le peuple romain, en punition de son ingratitude et de sa trahison, ne sortît jamais de servitude. Car la plupart des Romains avaient abandonné Caïus, dès l’instant que l’amnistie avait été publiée. Comme Caïus fuyait, quelques-uns de ses ennemis l’atteignirent près du pont de bois. Pomponius et Licinius le forcèrent à prendre les devants ; puis, faisant face à ceux qui les poursuivaient, ils tinrent ferme à la tête du pont, et combattirent avec tant de courage, que personne ne put passer, jusqu’à ce qu’ils eussent été tués sur la place. Caïus n’avait pour compagnon de sa fuite qu’un esclave nommé Philocratès : tout le monde l’encourageait, comme s’il se fût agi de disputer le prix des jeux ; mais personne ne le secourait, personne ne lui amenait un cheval, bien qu’il en demandât un avec instance ; car les ennemis le suivaient de très-près. Il les devança pourtant d’un moment, et put se jeter dans un bois consacré aux Furies[1], où il fut tué par son esclave Philocratès, qui se tua ensuite lui-même. Toutefois quelques-uns rapportent qu’ils furent arrêtés tous deux en vie, et que l’esclave serra si étroitement son maître dans ses bras, que nul ne put frapper Caïus qu’auparavant Philocratès n’eût succombé sous mille coups.

On dit qu’un homme, qu’on ne nomme pas, coupa la tête de Caïus, mais que, comme il la portait au consul, un des amis d’Opimius, nommé Septimuléius, la lui enleva, parce qu’avant le combat on avait fait publier à son de trompe que quiconque apporterait les têtes de Caïus et de Fulvius recevrait autant pesant d’or. Septimuléius apporta donc au consul la tête de Caïus au bout

  1. C’est le bois que les Latins appelaient lucus Furinæ : il était à peu de distance du pont de bois, ou pont Sublicius.