Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/227

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guerre de Numance et en Sardaigne, des preuves éclatantes de valeur ; et il est certain que, si ces deux frères n’eussent pas péri si jeunes, ils auraient égalé les plus grands des généraux romains.

Quant à la conduite politique, il semble qu’Agis y montra trop de mollesse : il se laissa duper par Agésilas, et frustra ses concitoyens du partage des terres qu’il leur avait promis ; en somme, sa timidité, suite ordinaire de la jeunesse, lui fit laisser imparfaits les changements qu’il avait projetés, et qui excitaient l’attente publique. Cléomène, au contraire, mit dans l’exécution de son projet trop de violence et d’audace : il fit égorger contre toute justice les éphores, quand il pouvait, par la force dont il disposait, les attirer à son parti, ou les chasser de la ville, comme tant d’autres citoyens en avaient déjà été bannis. Car il n’est ni d’un habile médecin ni d’un sage politique, de recourir au fer sans une extrême nécessité : c’est dans l’un et dans l’autre une preuve d’ignorance ; et, dans l’homme d’État, il s’y joint de plus l’injustice avec la cruauté. Mais ni l’un ni l’autre des deux Gracques ne commença le premier à verser le sang de ses concitoyens ; et l’on rapporte que Caïus, assailli d’une grêle de traits, ne songea pas même à se défendre, et qu’autant il était vaillant dans les combats, autant il se montra calme dans la sédition. En effet, il sortit de chez lui sans armes ; il se retira à l’écart lorsqu’il vit le combat s’engager ; et toujours il prit bien plus garde de ne point faire de mal que de n’en point souffrir lui-même. Aussi n’est-ce point à lâcheté, mais bien à précaution, qu’on doit imputer la fuite des Gracques ; car il fallait nécessairement ou qu’ils cédassent par la fuite à ceux qui les poursuivaient, ou, s’ils les attendaient, qu’ils se missent en défense, afin de repousser leurs attaques.

Le plus grand reproche qu’on puisse faire à Tibérius, c’est d’avoir déposé du tribunat un de ses collègues, et