Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/242

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qu’imagina Stratoclès, l’inventeur de ces nouveautés si belles et si sages. Il fit ordonner que ceux qui seraient envoyés par un décret du peuple vers Antigonus ou Démétrius seraient appelés, au lieu d’ambassadeurs, théores, comme les députés que les villes grecques envoient dans les jours de fêtes solennelles à Pytho ou à Olympie pour y conduire les sacrifices. Ce Stratoclès était d’ailleurs un homme audacieux et insolent, et qui avait mené la vie la plus licencieuse : il affectait d’imiter, par ses bouffonneries, l’effronterie avec laquelle l’ancien Cléon traitait le peuple. Il avait chez lui une courtisane, nommée Phylacium. Un jour, elle lui avait acheté, au marché, des cervelles et des collets de mouton. « Oh ! oh ! dit-il, tu as acheté de ces choses dont nous nous servons en guise de balles, nous qui gouvernons la république ! » Une autre fois, comme la flotte des Athéniens eut été défaite près d’Amorgos[1], il prévint les courriers qui en apportaient la nouvelle, et, traversant le Céramique une couronne sur la tête, il annonça que les Athéniens avaient remporté la victoire ; puis, il ordonna qu’il serait fait des sacrifices pour remercier les dieux, et qu’on distribuerait des viandes à chaque tribu. Peu de temps après, ceux qui revenaient de la bataille apportèrent la nouvelle de la défaite. Le peuple, irrité contre Stratoclès, le cita à comparaître ; il se présenta hardiment, et, ayant apaisé le tumulte : « Quel mal ai-je donc fait, dit-il, en vous donnant de la joie pendant deux jours ? » Il y eut encore d’autres flatteries plus chaudes que braise, pour me servir de l’expression d’Aristophane[2]. Un autre, enchérissant sur la bassesse de Stratoclès, fit un décret particulier portant

  1. Une des Sporades, près de Naxos. Clitus, amiral des Macédoniens pour Antipater, y avait vaincu la flotte athénienne, commandée par Éétion.
  2. Ce mot ne se trouve plus dans ce qui nous reste des pièces d’Aristophane.