Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/256

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damné, porta aux Athéniens des lettres de recommandation de Démétrius, qui non-seulement attestèrent son déshonneur, mais jetèrent le trouble dans la ville ; car le peuple, en faisant à Cléomédon la remise de l’amende, défendit par un décret à tout citoyen d’apporter dorénavant de pareilles lettres de la part de Démétrius.

Démétrius ne fut pas plutôt informé de ce décret, qu’il en fit éclater son ressentiment. Alors les Athéniens s’empressèrent de l’annuler ; bien plus, ils firent mourir ou condamnèrent au bannissement tous ceux qui l’avaient dressé ou conseillé ; ils firent même un autre décret portant qu’à l’avenir toutes les volontés de Démétrius seraient regardées comme saintes envers les dieux et justes à l’égard des hommes. À cette occasion, quelqu’un des plus gens de bien ayant dit que Stratoclès était fou de proposer de tels décrets : « Il serait vraiment fou, répondit Démocharès, du dème de Leuconia[1] s’il ne faisait ces folies. » Et en effet, Stratoclès tirait de grands avantages de ses flatteries. Démocharès, dénoncé pour ce mot, fut condamné au bannissement. Voilà où en étaient les Athéniens, qui se croyaient délivrés de toute garnison et remis en liberté.

Démétrius entra ensuite dans le Péloponnèse, où ses ennemis, loin de lui résister, fuyaient tous devant lui, et abandonnaient leurs villes. Il attira dans son parti la contrée appelée Acté[2], et toute l’Arcadie, à l’exception d’Argos et de Mantinée. Il délivra Sicyone et Corinthe de leurs garnisons, moyennant cent talents[3] qu’il donna aux soldats qui les composaient. Il se trouvait à Argos comme on y célébrait les fêtes de Junon : pour concourir à cette

  1. C’est le neveu de Démosthène, dont il a été question dans la Vie de Démosthène, à la fin.
  2. Ce mot signifie rivage de la mer. Il s’agit ici de la côte orientale du Péloponnèse.
  3. Environ six cent mille francs de notre monnaie.