Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/277

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mais à la fin Pyrrhus défit son ennemi, le mit en fuite, lui tua beaucoup de monde, et fit cinq mille prisonniers[1]. Cet échec fut la principale cause de la ruine de Démétrius ; car Pyrrhus n’encourut pas tant la haine des Macédoniens pour les maux qu’il leur avait faits, qu’il n’en était admiré pour ses nombreux exploits ; et cette dernière victoire lui acquit auprès d’eux une grande et brillante réputation ; jusque-là qu’il y en eut plusieurs qui dirent hautement qu’il était le seul de tous les rois en qui l’on vit une véritable image de l’audace d’Alexandre, au lieu que les autres, et surtout Démétrius, ne le représentaient, comme des acteurs sur la scène, que par un faste et une gravité affectés.

Démétrius, en effet, avait l’air d’un roi de théâtre ; car, non-seulement il ceignait magnifiquement sa tête d’un double diadème et portait des robes de pourpre brodées d’or, mais sa chaussure était d’une étoffe d’or, et avait des semelles de la plus belle pourpre mise en plusieurs doubles. On lui brodait depuis longtemps un manteau d’un travail merveilleux, et qui montrait assez son orgueil : l’univers et tous les phénomènes célestes devaient y être représentés. Mais l’ouvrage demeura imparfait, à cause du changement survenu dans sa fortune ; et aucun roi, après lui, n’osa le porter, bien qu’il y ait eu depuis en Macédoine plus d’un roi très-fastueux.

Ce ne fut pas seulement cette magnificence qui le rendit insupportable à ses sujets peu accoutumés à tant de faste, mais aussi le luxe de sa table et sa dépense habituelle ; et il leur était plus odieux encore par la difficulté qu’ils avaient d’approcher de sa personne ; car, ou il ne leur laissait pas le temps de lui parler, ou, s’il le faisait, ses réponses étaient toujours d’une rudesse et d’une fierté repoussantes. Il retint deux ans entiers à sa suite les dé-

  1. Voyez la Vie de Pyrrhus dans le deuxième volume.