Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/287

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avait envoyé contre lui ses chars armés de faux, il les força et les mit en fuite ; puis, chassant ceux qui défendaient les passages de la Syrie, il les occupa lui-même. Ranimé par ce succès, et voyant que ses troupes avaient repris courage, il se prépara à tout risquer en présentant la bataille à Séleucus. Séleucus se trouva alors dans un grand embarras : il avait renvoyé le secours de Lysimachus, car il n’était pas sans soupçons et sans craintes à son endroit ; et il n’osait, avec ses seules forces, hasarder le combat contre Démétrius, redoutant sa témérité désespérée, et l’instabilité de sa fortune qui, souvent, de la situation la plus déplorable l’élevait tout à coup au comble de la prospérité. Mais, sur ces entrefaites, Démétrius tomba dans une maladie qui lui ôta toutes les forces et ruina entièrement ses affaires : la plupart de ses soldats passèrent aux ennemis, ou se débandèrent. À peine rétabli au bout de quarante jours, il ramasse ce qui lui restait de troupes, et, afin de faire croire aux ennemis qu’il va se jeter sur la Cilicie, il se met en marche. Mais il décampe la nuit sans faire sonner les trompettes ; et, prenant une autre route, il franchit le mont Amanus, et ravage tout le pays qui s’étend du pied de cette montagne jusqu’à la Cyrrhestique[1]. Séleucus, qui s’était mis à sa poursuite, va camper non loin de lui : alors Démétrius lève son camp au milieu de la nuit, et s’avance sur Séleucus, pour le surprendre et l’enlever pendant son sommeil. Séleucus, averti par quelques transfuges du danger qu’il courait, se lève en toute hâte, fort étonné, et fait sonner l’alarme. En se chaussant, il dit tout haut à ses amis : « J’ai affaire là à une dangereuse bête. » Démétrius, conjecturant, par le tumulte du camp ennemi, qu’on l’avait découvert, se retira precipitamment.

  1. Contrée de la Syrie, ainsi appelée de la ville de Cyrus ou Cyrrhus.