Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/295

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lie, de la maison des Césars, laquelle ne le cédait à nulle Romaine de son temps en sagesse et en vertu.

Antoine, après la mort de son père, fut élevé par Julie sa mère, qui s’était remariée à Cornélius Lentulus, celui que Cicéron fit mourir comme complice de Catilina : ce fut là, dit-on, le prétexte et la source de la haine implacable qu’Antoine portait à Cicéron ; Antoine lui reprochait même de n’avoir jamais voulu leur rendre le corps de Lentulus pour le faire inhumer, qu’auparavant Julie sa veuve ne fût allée se jeter aux pieds de la femme de Cicéron pour solliciter cette grâce ; mais c’est une calomnie manifeste ; car, de tous ceux qui furent mis à mort par ordre de Cicéron, aucun ne fut privé des honneurs de la sépulture.

Comme Antoine était d’une grande beauté, il fut recherché dès sa jeunesse par Curion, dont l’amitié et le commerce furent, dit-on, pour lui la contagion la plus funeste ; car cet homme, abandonné à toutes sortes de voluptés, et qui voulait tenir Antoine sous sa dépendance, le plongea dans la débauche des femmes et du vin, et lui fit contracter, par des dépenses non moins folles que honteuses, des dettes beaucoup plus considérables que son âge ne le comportait : il devait deux cent cinquante talents[1], dont Curion s’était rendu caution. Le père de Curion, ayant surpris cet engagement, chassa Antoine de sa maison. Celui-ci se lia bientôt après avec Clodius, le plus audacieux comme le plus scélérat des démagogues de son temps, et dont les fureurs portaient le trouble dans toute la république ; mais il ne tarda pas à se lasser des folies de cet homme ; craignant d’ailleurs la puissance de ceux qui s’étaient ligués contre Clodius, il quitta l’Italie, et fit voile pour la Grèce. Il y séjourna quelque temps, pour se former aux exercices militaires

  1. Environ quinze cent mille francs de notre monnaie.