Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

raison, pour se déterminer si subitement à porter la guerre dans sa patrie, s’il n’en eût auparavant formé le dessein, et cela uniquement parce qu’il aurait vu arriver Antoine et Cassius fort mal vêtus et dans une voiture de louage. Mais depuis longtemps il ne cherchait qu’un prétexte ; et il crut l’avoir rencontré dans le rapport que lui firent Antoine et Cassius. Ce qui l’excita à entreprendre ainsi une guerre générale, ce fut le même motif qui avait autrefois fait prendre les armes à Alexandre et avant lui à Cyrus, à savoir, un désir insatiable de commander, et une convoitise effrénée d’être le premier et le plus grand des hommes ; à quoi César ne pouvait parvenir que par la ruine de Pompée.

César s’étant, dès son arrivée, rendu maître de Rome, et ayant chassé Pompée de l’Italie, résolut de marcher d’abord contre les troupes que Pompée avait en Espagne, puis d’équiper une flotte, et de se mettre à la poursuite de Pompée lui-même. Il confia donc le gouvernement de la ville aux mains de Lépidus, et chargea Antoine, alors tribun du peuple, de la garde de l’Italie et du commandement des troupes. Antoine gagna bien vite l’affection des soldats, parce qu’il s’exerçait et mangeait le plus souvent avec eux, et leur faisait autant de largesses que sa fortune le lui permettait ; mais il se rendit insupportable à tous les autres citoyens à cause de sa paresse : il n’était nullement ému des injustices qu’ils éprouvaient ; souvent même il traitait rudement ceux qui venaient se plaindre à lui ; enfin, on l’accusait de corrompre des femmes de condition libre. De sorte que la domination de César, qui en soi n’était rien moins qu’une tyrannie, devint odieuse par la faute de ses amis mêmes, surtout d’Antoine, dont les désordres paraissaient d’autant plus grands qu’il avait plus de puissance : aussi était-ce lui qui encourait presque tout le blâme. Toutefois César, à son retour d’Espagne, ne tint