Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/309

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qu’ils s’étaient retirés au Capitole, il leur persuada d’en descendre, en leur donnant son Bis pour otage ; et le soir même Cassius soupa chez lui, et Brutus chez Lépidus.

Le lendemain, Antoine assemble le Sénat, propose une amnistié générale, et demande qu’on assigne des provinces à Brutus et à Cassius. Le Sénat confirme ces deux propositions, et décrète en outre que tous les actes de la dictature de César seront maintenus. Antoine sortit du Sénat couvert de gloire ; car on ne doutait point qu’il n’eut prévenu la guerre civile, et l’on estimait qu’il avait manié avec la prudence d’un politique consommé des affaires pleines de difficultés, et qui pouvaient entraîner de grands troubles. Mais, enflé de la haute opinion que le peuple avait conçue de lui, il abandonna bientôt des mesures si sages, persuadé que la première place lui serait assurée dans Rome s’il parvenait à détruire l’autorité de Brutus. Lorsqu’on porta le corps de César sur le bûcher, il prononça, suivant l’usage, l’oraison funèbre du défunt ; et, voyant le peuple singulièrement ému et attendri par son discours, il mêla tout à coup à l’éloge de César ce qu’il jugea le plus propre à exciter la pitié, à enflammer l’âme des auditeurs. En finissant, il déploya la robe de César tout ensanglantée et percée de coups, appelant les auteurs du meurtre des scélérats et des parricides. Par là, il échauffa tellement l’esprit du peuple que, sans aller plus loin, ils dressèrent dans le Forum même un bûcher avec les tables et les bancs qu’ils y trouvèrent, et brûlèrent là même le corps de César ; puis, prenant des tisons enflammés, ils coururent aux maisons des meurtriers, pour y mettre le feu et les y attaquer eux-mêmes.

Cette violence obligea Brutus et les autres conjurés à sortir de la ville : alors les amis de César se joignirent à Antoine, et Calpurnia, sa veuve, se fiant en lui, fit