Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/348

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faire reconnaître ; au lieu que l’autre route, bien que plus rude que la première, n’offre aucune difficulté, sinon qu’on y manque d’eau pendant une journée. » Sur cela, Antoine changea d’avis : il se mit en marche dès la nuit même, après avoir ordonné à ses soldats de faire provision d’eau ; mais la plupart manquaient de vases pour la porter : c’est pourquoi plusieurs en remplirent leurs casques, et d’autres des outres. Les Parthes, avertis de leur départ, se mirent, contre leur coutume, à les poursuivre dès la nuit même, si bien qu’au lever du soleil, ils atteignirent l’arrière-garde de l’armée des Romains. Ceux-ci, qui avaient fait cette nuit même deux cent quarante stades[1], étaient accablés de veilles et de fatigue : l’arrivée subite des ennemis, qu’ils étaient loin d’attendre, les jeta dans le découragement. La nécessité où ils étaient de combattre à chaque pas augmentait encore leur soif. Or, ceux qui marchaient au front de l’armée arrivèrent aux bords d’une rivière dont l’eau était fraîche et limpide, mais salée et malfaisante ; car, dès qu’on en avait bu, elle causait de violentes tranchées, de vives douleurs, et irritait la soif au lieu de l’apaiser. Le Marde les en avait avertis : mais, quoi qu’on pût leur dire, rien ne les détourna d’en boire. Antoine parcourait les rangs, les conjurant de souffrir un peu de temps encore, et les assurant qu’ils trouveraient non loin de là une autre rivière dont l’eau était bonne à boire ; qu’ensuite, le reste du chemin étant escarpé et impraticable à la cavalerie, les ennemis seraient contraints de se retirer. En même temps il fit sonner la retraite, pour rappeler ceux qui combattaient, et donna le signal de dresser les tentes, afin que les soldats pussent respirer quelque temps la fraîcheur de l’ombre.

Les tentes étaient à peine dressées, et les Parthes re-

  1. Environ douze lieues.