Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/372

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saient à coups de fouet. Après ce premier voyage, on les avait requis pour en faire un second, lorsqu’on apprit la défaite d’Antoine. Cette nouvelle sauva notre ville ; car les commissaires et les soldats prirent aussitôt la fuite, et les habitants se partagèrent le blé entre eux.

Antoine prit terre en Afrique, et envoya Cléopâtre de Paretonium[1] en Égypte ; puis il se retira dans une vaste solitude, où il fut errant et vagabond, n’ayant pour compagnie que deux de ses amis seulement, l’un Grec et l’autre Romain. Le premier était le rhéteur Aristocratès, et l’autre ce même Lucilius dont nous avons parlé ailleurs[2], qui, à la bataille de Philippes, pour donner à Brutus le temps de s’enfuir, se fit prendre par ceux qui le poursuivaient, disant qu’il était Brutus, et qui, ensuite, ayant été sauvé par Antoine, fut si reconnaissant envers lui, qu’il lui garda une fidélité inviolable, et lui demeura constamment attaché jusqu’à la fin de sa vie. Lorsque Antoine apprit la défection de celui à qui il avait confié son armée d’Afrique, il voulut se donner la mort ; mais il en fut empêché par ses amis : il se fit donc conduire à Alexandrie, où il trouva Cléopâtre occupée d’une entreprise non moins grande que hardie.

Il y a, entre la mer Rouge et la mer d’Égypte un isthme qui sépare l’Asie de l’Afrique, lequel, dans sa partie la plus resserrée par les deux mers, n’a pas plus de trois cents stades de largeur[3]. Cléopâtre avait entrepris de faire transporter tous ses vaisseaux par cet isthme, puis de les rassembler dans le golfe Arabique avec toutes ses richesses et des forces puissantes, afin d’aller s’établir sur quelque terre éloignée, où elle fût à

  1. Ville maritime d’Afrique.
  2. Voyez la Vie de Brutus dans ce volume.
  3. Environ quinze lieues.