Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/377

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plus favorables, si elle consentait à faire mourir Antoine ou à le bannir de ses États. Il lui envoya en même temps Thyréus[1], un de ses affranchis, homme qui ne manquait pas d’intelligence, et qui, député par un jeune empereur à une femme naturellement fière et qui comptait fort sur sa beauté, était bien capable de l’amener à faire ce que César désirait. Thyréus eut avec la reine des entretiens beaucoup plus longs que ceux qu’elle accordait ordinairement aux autres personnes, et reçut d’elle de grandes marques de distinction : ce qui le rendit suspect à Antoine. Aussi Antoine, après l’avoir fait battre de verges, le renvoya-t-il à César, à qui il écrivit que Thyréus l’avait irrité par son insolence et sa fierté, dans un temps où il était facile à aigrir à cause de son infortune présente. « Si tu trouves mauvais ce que j’ai fait, ajoutait-il, tu as auprès de toi Hipparque, un de mes affranchis, que tu peux à ton aise faire suspendre et battre de verges, afin que nous n’ayons rien à nous reprocher. » Depuis lors Cléopâtre, pour dissiper les soupçons d’Antoine, et mettre fin à ses reproches, lui témoigna plus d’affection encore qu’auparavant. Elle célébra, avec une simplicité convenable à sa fortune présente, le jour anniversaire de sa naissance ; mais elle surpassa, pour celui d’Antoine, l’éclat et la magnificence qu’elle avait mis dans toutes les fêtes précédentes, jusque-là que plusieurs des convives, qui étaient venus pauvres au banquet, s’en retournèrent riches.

Agrippa écrivit plusieurs lettres à César, par lesquelles il lui mandait de revenir à Rome, où l’état des affaires exigeait sa présence. Ce voyage fit différer la guerre ; mais, aussitôt après l’hiver, César marcha de nouveau contre Antoine par la Syrie, et ses lieutenants par l’Afrique. Or, ces derniers s’étant emparés de Péluse, le bruit

  1. Diodore le nomme Thyrsus.