Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/378

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

courut que Séleucus l’avait livrée du consentement de Cléopâtre ; mais Cléopâtre, pour se justifier de cette accusation, remit entre les mains d’Antoine la femme et les enfants de Séleucus, afin qu’il les fit mourir.

Elle avait fait construire, près du temple d’Isis, des tombeaux d’une élévation et d’une magnificence étonnante : elle y fit porter tout ce qu’elle avait de précieux, tant en or qu’en argent, émeraudes, perles, ébène, ivoire et cinnamome ; après quoi elle fit remplir ces monuments de torches et d’étoupes. César, qui craignait que cette femme, dans un moment de désespoir, ne mit le feu à tant de trésors, lui envoyait chaque jour de nouveaux émissaires, qui lui promettaient de sa part un traitement plein de douceur ; cependant, il s’approchait d’Alexandrie avec son armée. Quand il fut arrivé devant la ville, et qu’il eut assis son camp près de l’hippodrome, Antoine fit une sortie contre lui, et le combattit avec tant de valeur, qu’il mit en fuite sa cavalerie, et la poursuivit jusqu’à ses retranchements. Fier de ce succès, il rentra au palais, baisa Cléopâtre tout armé, et lui présenta celui de ses soldats qui avait donné dans le combat les plus grandes marques de courage. La reine, pour récompenser cet homme, lui fit présent d’une cuirasse et d’un casque d’or ; mais le soldat, après avoir reçu ce don, déserta la nuit suivante, et passa dans le camp de César.

Antoine envoya de nouveau défier César à un combat singulier ; mais César fit réponse qu’Antoine avait plus d’un autre chemin pour aller à la mort. Sur cela, Antoine fit réflexion que la mort la plus honorable qu’il pût choisir était celle qu’on trouve dans les combats : il résolut donc d’attaquer César et par terre et par mer. Le soir, à souper, il commanda, dit-on, à ses gens de le servir de leur mieux, parce qu’il ne savait pas, disait-il, si le lendemain il serait temps de le faire, ou s’ils n’auraient pas passé à d’autres maîtres, ou bien s’il ne serait pas