Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/395

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

toutefois Antoine avait un prétexte plausible à alléguer, car Artabaze l’avait trahi et abandonné en Médie ; tandis que Démétrius, s’il faut en croire plusieurs historiens, inventa de fausses accusations pour justifier son crime : il calomnia, disent-ils, un innocent, et se vengea, non des torts qu’il avait endurés, mais de ceux qu’il avait fait souffrir lui-même.

Démétrius ne dut qu’à lui-même ses plus grands exploits ; Antoine, au contraire, n’eut de succès que lorsqu’il n’était pas à la tête de ses armées ; et ce fut par ses lieutenants qu’il remporta ses plus illustres victoires. Tous deux ruinèrent eux-mêmes leurs affaires, mais par des causes bien différentes : l’un fut abandonné des Macédoniens, tandis que l’autre abandonna lui-même son armée ; Antoine prit la fuite, et trahit ceux qui s’exposaient pour lui aux plus grands dangers. Ainsi, la faute de Démétrius, c’est de s’être fait des ennemis de ses propres soldats ; celle d’Antoine, c’est d’avoir trahi l’affection et la fidélité que les siens lui témoignaient.

Quant à leur mort, on ne peut louer ni celle de l’un ni celle de l’autre ; toutefois celle de Démétrius est la plus blâmable : il souffrit d’être fait prisonnier, et n’eut pas honte de gagner trois ans de vie pour les consumer dans des débauches de table, et de s’apprivoiser à la servitude, comme font les bêtes fauves qu’on enferme dans des loges. Antoine mourut lâchement ; ses derniers moments sont misérables et honteux ; mais du moins il sortit de la vie avant que son corps tombât au pouvoir de son ennemi.