Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/398

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prit des troubles et des frayeurs qui agitent et quelquefois même ébranlent leur vertu, de peur qu’en demeurant fermes et inébranlables dans le bien, ils n’aient en partage, après leur mort, une meilleure vie que n’est la leur. Mais ce serait là le sujet d’un traité particulier. Nous allons, dans ce douzième livre de nos Parallèles, raconter d’abord les actions du plus ancien des deux.

Denys l’ancien, après s’être emparé de la tyrannie[1], épousa la fille d’Hermocratès le Syracusain. Mais, comme sa puissance n’était pas encore bien affermie, les Syracusains se soulevèrent contre lui, et exercèrent contre sa femme de telles indignités et tant d’outrages, que de désespoir elle se donna la mort. Depuis, ayant recouvré et mieux affermi sa domination, il épousa en même temps deux femmes : l’une du pays des Locriens, nommée Doris ; l’autre de Syracuse même, appelée Aristomaque, fille d’Hipparinus, un des premiers personnages de la ville, et qui avait partagé le commandement avec Denys, la première fois que celui-ci avait été élu général des troupes syracusaines. Il épousa, dit-on, ces deux femmes le même jour ; et jamais on ne sut à laquelle des deux il eut affaire avant l’autre. Quoi qu’il en soit, durant tout le cours de sa vie il témoigna à l’une et à l’autre une égale affection : elles prenaient leurs repas en commun, et passaient la nuit avec lui chacune à son tour. Le peuple de Syracuse voulait que celle du pays eût la préférence sur l’étrangère ; mais celle-ci eut le bonheur de donner la première un fils à son mari, ce qui lui aida à se soutenir contre la prévention qu’avait fait naître son origine. Aristomaque fut longtemps stérile : cependant Denys désirait si fort d’avoir des enfants d’elle, qu’il fit mourir la mère de Doris, comme empêchant, par des sortilèges, Aristomaque de concevoir.

  1. En l’an 405 avant J.-C.