Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/412

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n’exciterait aucun mouvement, et ne le décrierait point auprès des Grecs. Platon n’oublia rien pour porter Dion à observer ces conditions : il dirigea son esprit vers l’étude de la philosophie, et le retint auprès de lui à l’Académie. Dion logeait à Athènes chez Callippus, un de ses anciens amis ; mais il avait acheté une maison de plaisance dont il fit présent, lors de son départ pour la Sicile, à Speusippe[1], celui de ses amis qu’il avait le plus fréquenté. Platon avait cherché, en les liant ensemble, à adoucir les mœurs austères de Dion par le commerce d’un homme aimable, comme était Speusippe, qui savait mêler à propos à des conversations sérieuses des plaisanteries honnêtes ; ce qui fit dire au poète Timon, dans ses Silles[2], que Speusippe raillait avec finesse. Pendant le séjour de Dion à Athènes, Platon dut donner des jeux et défrayer un chœur de jeunes garçons : Dion exerça le chœur, et paya du sien toute la dépense. Platon avait bien voulu lui céder cette occasion de montrer aux Athéniens sa magnificence, quoiqu’il n’ignorât pas qu’elle procurerait à Dion plus de bienveillance de la part du peuple qu’elle ne lui ferait d’honneur à lui-même.

Dion visita aussi les autres villes de la Grèce : il assista à leurs fêtes solennelles, s’entretint avec les hommes les plus sages et les plus versés dans la politique, sans montrer dans sa conduite la moindre marque d’affectation, d’arrogance, de mollesse, ni rien qui se sentit de ses longues habitudes avec un tyran. Partout il fit paraître sa tempérance, sa vertu, sa force d’âme, et sa profonde connaissance des lettres et de la philosophie ; ce qui le fit

  1. Speusippe était le neveu de Platon, et fut son successeur comme chef de l’Académie.
  2. Les Silles étaient des poésies satiriques dans lesquelles Timon le Phliasien attaquait les philosophes. Diogène de Laërce cite un grand nombre de vers de ce Timon, qui est postérieur au fameux misanthrope.