Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/455

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d’une fortune brillante, et se vit le maître dans Syracuse : il en écrivit même à Athènes, qui de toutes les villes était celle qu’il devait, après les dieux immortels, le plus respecter et craindre, s’étant souillé d’un si grand forfait. Mais on a dit de cette ville, et non sans vérité, que les gens de bien y étaient parfaits, et les méchants d’une malice profonde : semblable à son terroir, qui produit le miel le plus excellent[1] et la ciguë la plus violente. Au reste, Callippus ne justifia pas longtemps le reproche qu’on pouvait faire à la Fortune et aux dieux, de ce qu’ils souffraient qu’un homme se fût élevé, par un crime si impie, à une telle puissance : il ne tarda pas à en recevoir le juste châtiment ; car, en voulant se rendre maître de Catane, il perdit aussitôt Syracuse. On rapporte, à cette occasion, ce mot de lui : « J’ai perdu, dit-il, une grande ville, pour ne prendre qu’une râpe à fromage[2]. » Il alla ensuite attaquer Messine, où périrent un grand nombre des siens, et particulièrement les soldats zacynthiens qui avaient tué Dion. Chassé de toutes les villes de Sicile, qui le regardaient comme un monstre digne de toute leur haine, il se retira à Rhégium, où, réduit à une extrême détresse, et pouvant à grand’peine nourrir les soldats mercenaires qu’il commandait, il fut assassiné par Leptinès et Polyperchon, avec le même poignard, à ce qu’on dit, qui avait servi au meurtre de Dion : on le reconnut à sa forme et à la beauté de l’ouvrage : il était court, comme les poignards de Sparte, et d’un travail parfait.

Voilà quelle fut la punition que Callippus reçut de son crime.

Quant à Aristomaque et à Arété, elles furent reçues,

  1. Le miel du mont Hymette.
  2. Cette râpe se nommait πατάνη, et les gens du peuple prononçaient κατάνη, qui est le même mot que le nom de Catane.