Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/467

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statues, espérant par là porter le peuple à lui donner le titre de roi ; mais le contraire arriva, comme nous l’avons écrit dans la Vie de César[1]. Lorsque Cassius sonda ses amis sur la conjuration contre César, tous promirent d’y entrer, si Brutus en était le chef. Une pareille entreprise, disaient-ils, ne demande pas tant du courage et de l’audace que la réputation d’un homme tel que lui, qui, commençant le sacrifice, en garantisse la justice par sa seule présence. Sans lui, selon eux, les conjurés seraient moins fermes dans l’exécution de leur projet, et, après l’exécution, plus suspects aux Romains, qui ne pourraient croire que Brutus eût refusé de prendre part à l’action, si elle eût eu réellement un motif juste et honnête.

Cassius approuva ces raisons, et alla trouver Brutus : c’était la première fois qu’ils se voyaient depuis leur querelle. Après la réconciliation et les premiers témoignages d’amitié, Cassius demanda à Brutus s’il n’avait pas dessein de se rendre au Sénat le jour des ides de mars. « J’ai entendu dire, ajouta-t-il, que ce jour-la les amis de César doivent ouvrir la proposition de le faire roi. » Brutus répondit qu’il n’irait point. « Mais si nous y sommes appelés ? repartit aussitôt Cassius. — Alors, répliqua Brutus, mon devoir sera de ne pas me taire, mais de m’y opposer de tout mon pouvoir, et de mourir avant de voir expirer la liberté. » Cassius, enhardi par ces paroles : « Où est donc le Romain, dit-il à Brutus, qui voudrait consentir à ta mort ? Ignores-tu qui tu es, Brutus ? Penses-tu que ce soient des tisserands et des cabaretiers, et non les premiers et les plus puissants de la ville, qui couvrent ton tribunal de ces écrits que tu y trouves chaque jour ? Ce qu’ils attendent des autres préteurs, ce sont les distributions d’argent, les

  1. Cette Vie est dans le troisième volume.