Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/475

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environnèrent le siège de César, feignant d’avoir à l’entretenir de quelque affaire ; et Cassius, sortant, dit-on, ses regards sur la statue de Pompée, l’invoqua comme si elle eût été capable de l’entendre[1]. Trébonius attira Antoine à la porte, et l’y entretint longtemps, pour le retenir hors de la salle[2]. Quand César entra, tous les sénateurs se levèrent pour lui faire honneur ; et, dès qu’il se fut assis, les conjurés se pressèrent autour de lui, et firent avancer Tullius Cimber, lequel demanda au dictateur le rappel de son frère. Les autres joignirent leurs prières aux siennes : ils prirent les mains de César, ils lui baisèrent même la poitrine et la tête. César rejeta d’abord ces supplications ; puis, comme ils insistaient, il se leva pour les repousser de force. À ce moment, Tullius, lui prenant la robe à deux mains, lui découvre les épaules ; et Casca, qui était derrière César, tire son poignard, et lui porte le premier un coup près de l’épaule ; mais la blessure fut peu profonde. César saisit aussitôt la poignée de l’arme dont il vient d’être frappé, et s’écrie en latin : « Scélérat de Casca, que fais-tu ? » Mais Casca, s’adressant à son frère en langue grecque, l’appelle à son secours. César, atteint de plusieurs coups à la fois, porte ses regards autour de lui pour repousser les meurtriers ; mais, dès qu’il voit Brutus lever le poignard sur lui, il quitte la main de Casca, qu’il tenait encore ; puis, se couvrant la tête de sa robe, il se livre au fer des conjurés. Comme ceux-ci le frappaient tous à la fois et sans précaution, étant serrés autour de lui, ils se blessèrent les uns les autres ; jusque-là que Brutus, qui voulait aussi

  1. Ce qui rend ce fait remarquable, c’est que Cassius était dans les sentiments d’Épicure, et qu’il ne croyait ni à l’autre vie, ni à la providence divine.
  2. Dans la Vie de César, Plutarque dit qu’Antoine fut retenu par Albinus ; mais ici il est d’accord avec Cicéron et avec tous les historiens.