Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/480

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d’Antoine, sortirent de la ville, et se retirèrent à Antium[1], pour y attendre que la fureur du peuple fut calmée, et dans la pensée de retourner à Rome dès que les esprits seraient plus tranquilles : ce qu’ils espéraient bientôt d’une multitude non moins inconstante qu’impétueuse dans ses mouvements. D’ailleurs ils comptaient sur le Sénat ; car, si le Sénat n’avait fait aucune information contre ceux qui avaient mis Cinna en pièces, il avait du moins poursuivi et fait arrêter les séditieux qui, avec des tisons ardents, voulaient brûler leurs maisons.

Déjà le peuple, mécontent d’Antoine, qui semblait vouloir succéder à la tyrannie de César, désirait Brutus, et s’attendait à le voir bientôt rentrer dans Rome pour y célébrer les jeux qu’il devait donner en sa qualité de préteur. Mais Brutus fut averti qu’un grand nombre de soldats vétérans, de ceux qui avaient reçu de César, en récompense de leurs services, des terres et des maisons dans les colonies, lui dressaient des embûches, et se glissaient par pelotons dans la ville : il n’osa pas retourner à Rome. Toutefois, son absence n’empêcha pas le peuple de jouir du spectacle et des jeux, qui furent célébrés avec une magnificence extraordinaire. Brutus voulut que rien n’y fût épargné : il avait fait acheter un nombre considérable d’animaux féroces ; il défendit qu’on en donnât ni qu’on en réservât un seul, voulant que tous fussent employés dans les jeux. Il alla même en personne jusqu’à Naples, pour y louer des comédiens ; et, comme il désirait fort avoir un certain Canutius, lequel avait un grand succès sur les théâtres, il écrivit à ses amis, et les pria de ne rien négliger pour persuader à cet homme de venir à ses jeux ; car il ne trouvait pas qu’il fût convenable de forcer aucun Grec. Il écrivit aussi à Cicéron pour le presser instamment d’y assister.

  1. Ville du Latium, près de la mer.