Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 4.djvu/501

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guerre en longueur, d’autant qu’avec plus d’argent que l’ennemi, ils lui étaient inférieurs en armes et en soldats. Brutus, au contraire, avait toujours pensé et pensait encore à en venir promptement à une affaire décisive, afin de rendre au plus tôt la liberté à sa patrie, ou du moins de délivrer de tant de maux ces peuples écrasés par les dépenses de la guerre et par toutes les autres misères qu’elle entraîne nécessairement.

Il voyait d’ailleurs que, dans toutes les escarmouches, dans toutes les rencontres qui avaient lieu, sa cavalerie avait toujours l’avantage : ce qui lui inspirait une grande confiance. D’un autre côté, chaque jour de nouveaux déserteurs, et en grand nombre, passaient de son camp dans celui de César ; et l’on en dénonçait encore une infinité d’autres, comme soupçonnés de vouloir suivre cet exemple. Ces considérations engagèrent plusieurs des amis de Cassius à se ranger, dans le conseil, au sentiment de Brutus. Atellius fut le seul des amis de Brutus dont l’avis fut contraire au sien : il proposa de différer jusqu’à l’hiver. « Eh ! que gagneras-tu, lui dit alors Brutus, d’attendre encore une année ? — Le moins que je puisse espérer, répondit Atellius, c’est de vivre un an de plus. » Cette réponse déplut à Cassius ; tous les autres officiers s’en indignèrent ; et la bataille fut résolue pour le lendemain.

Brutus, rempli des meilleures espérances, s’entretint, pendant le souper, de matières philosophiques ; après quoi il alla prendre quelque repos. Mais Cassius, au rapport de Messala, soupa dans sa tente avec un petit nombre d’amis, et fut, pendant tout le repas, pensif et taciturne ; ce qui était contre son naturel. Après le souper, il prit la main de Messala, et, la lui serrant avec amitié, suivant sa coutume, il lui dit en grec : « Messala, je te prends à témoin que, de même que le grand Pompée, je suis forcé, malgré moi, de mettre au hasard d’une